France, 2016, 3h15, documentaire
Voyage à travers le cinéma français
En 582 extraits de 94 films Tavernier nous emmène à la rencontre de cinéastes connus mais aussi d’oubliés, nous proposant des extraits qui ne sont jamais ceux que l’on voit toujours. Il ressuscite des films méconnus et avec eux des pans d’histoires des hommes, des villes. Il sait dire ce que sont à son avis les fausses valeurs et celles qu’il faut rétablir : on est loin d’une histoire académique du cinéma, on est dans une conversation où un « ciné-fils » confie son itinéraire de jeune spectateur de « l’ancien cinéma » avant de devenir attaché de presse de la Nouvelle Vague. Entreprise titanesque dont on espère qu’elle aura une suite.
« - Dès le départ, vous saviez qu'on vous verrait sur l'écran…
Oui. Je voulais ce film le plus personnel possible. Pas de chronologie. Et surtout pas un cours universitaire : je ne souhaitais pas me perdre dans des querelles byzantines, dans des classifications auxquelles je n'ai jamais rien compris, le « le réalisme poétique », par exemple. Je me suis toujours demandé ce que ça pouvait bien vouloir dire…
- Donc, vous n'évoquez que les cinéastes que vous aimez…
C'était un peu le but. Parler de Marcel Carné, mais oublier Les Visiteurs du soir, que je n'ai jamais pu encaisser, et qui est totalement irregardable, aujourd'hui. J'ai toujours pensé que ce qui comptait, chez les réalisateurs, c'étaient leurs réussites. Même si, bien sûr, les échecs éclairent, parfois, plus que les succès. Je voulais rappeler, aussi, combien le cinéma est un art collectif.
C'est le décorateur du Jour se lève, Alexandre Trauner, qui a l'idée de situer la chambre de Jean Gabin, non au premier étage, comme prévu, mais tout en haut de l'immeuble. Et ça change tout… Trauner devient, soudain, en quelque sorte, le co-auteur du film. Et Marcel Carné le soutient contre le producteur qui, lui, évidemment se dit que construire huit ou neuf étages lui coûtera nettement plus cher que s'il n'en construisait que trois. Il le soutient parce qu'il comprend instantanément le profit qu'il va en tirer.
Je crois qu'il y a deux types de cinéastes : les grands, qui acceptent les idées des autres, et les pas bons, qui les refusent. Jean Renoir, très malin, les acceptait, quitte à oublier, parfois, qui les lui avait inspirées. Pascal Mérigeau, dans son bouquin, rappelle comment Renoir s'est débarrassé du co-scénariste de Toni, qu'il n'a jamais cité… »
Entretien avec Pierre Murat, Télérama