France-Chili, 2015, 2h08, VOSTF
avec Adan Jodorowsky, Brontis Jodorowsky, Pamela Flores
avec Adan Jodorowsky, Brontis Jodorowsky, Pamela Flores
Poésie sans fin
Dans l’effervescence de la capitale chilienne Santiago, pendant les années 1940 et 50, « Alejandrito » Jodorowsky, âgé d’une vingtaine d’années, décide de devenir poète contre la volonté de sa famille. Il est introduit dans le cœur de la bohème artistique et intellectuelle de l’époque et y rencontre Enrique Lihn, Stella Diaz, Nicanor Parra et tant d’autres jeunes poètes prometteurs et anonymes qui deviendront les maîtres de la littérature moderne de l’Amérique Latine. Immergé dans cet univers d’expérimentation poétique, il vit à leurs côtés comme peu avant eux avaient osé le faire : sensuellement, authentiquement, follement.
« Je suis poète. » Décidément, nul n’aura prononcé au cinéma cette phrase un peu sacrilège (tout particulièrement dans le Chili des années 1940) et un peu démodée (dans une perspective plus contemporaine) avec autant de conviction qu’Alejandro Jodorowsky. On l’avait salué il y a trois ans avec La Danza de la Realidad, alors qu’il s’éloignait sur une barque aux côtés d’un mime déguisé en squelette. On croyait lire dans cette scène touchante un adieu définitif. Et l’on avait tort, comme en témoigne Poesía Sin Fin, bijou d’un artiste de quatre-vingt sept ans qui n’a rien perdu de sa vitalité. L’œuvre poursuit le projet autobiographique de La Danza de la Realidad et en conserve le dispositif. Il s’agit, pour explorer le passé, de donner forme à un « théâtre familial » qui mobilise l’entourage du réalisateur et notamment ses deux fils (Adan Jodorowsky dans le rôle du protagoniste adulte, Brontis Jodorowsky dans celui du père) ainsi que son neveu (dans le rôle du protagoniste enfant). Jodorowsky lui-même n’apparaît que par moments, dans le rôle de guide et de dramaturge. Là où le premier film dévoilait l’enfance du protagoniste, Poesía Sin Fin suit les péripéties du jeune Alejandro au cours de son adolescence à Tocopilla et lors de son arrivée à Santiago, jusqu’au moment où il quitte son pays natal pour Paris. Entre les deux, ce sont toutes les expériences artistiques et humaines de la jeunesse qui défilent, à mesure que l’environnement familial fellinien des Jodorowsky s’estompe pour laisser place à la grande ville et à sa faune (non moins fellinienne à vrai dire).
Nicolas Brarda, Critikat