France-Allemagne, 2016, 1h53
avec Pierre Niney, Paula Beer, Ernst Stötzner
Dans l'Allemagne d'immédiat après-guerre, Anna vit sa vie lentement, au rythme de ceux qui auraient dû devenir ses beaux-parents : Frantz, son fiancé, est mort en France, sur le front. Un jour elle rencontre Adrien, jeune soldat français venu se recueillir sur la tombe de Frantz. Au-delà de la clarté imperturbable du noir et blanc (pluie, vent, soleil), et au-delà des visages lisses des comédien·e·s, c'est dans leurs yeux et leurs regards qu'il faut saisir l'intensité du tourment de l'époque. Et si François Ozon reste fidèle aux faux-semblants, si ses personnages mentent, c'est pour mieux peindre la douleur, entre histoire collective et trajectoires individuelles.
A priori, Frantz est un film inattendu dans l’œuvre de François Ozon, où il vient après Jeune et Jolie où une jeune bourgeoise se prostitue et Une nouvelle amie où, après la mort desafemme, un homme se déguise en femme. Deux portraits de jeunes femmes entraînées dans le mensonge et la double vie. On comprend mieux quand on sait qu’Ozon cherchait à faire un film sur le mensonge. Un ami lui signale une pièce de théâtre de Maurice Rostand, dramaturge français de l’entre deux guerres, pacifiste partisan de la réconciliation franco-allemande. La pièce ne lui plait guère, mon son idée centrale oui et quand il voit le film que Lubitsch en a tiré, The Broken Lullaby, littéralement La Berceuse interrompue (1932), son seul film qui ne soit pas une comédie, il décide de faire Frantz, s’appuyant sur le film de Lubitsch pour le dépasser.
Dans une première partie, il suit le jeune français accueilli après la guerre dans une petite ville allemande par les parents et la fiancée d’un soldat mort pendant la guerre, dont il prétend avoir été l’ami. Ozon, qui a acquis les droits du film de Lubitsch reprend presque plan par plan trois scènes. Il se moule complètement dans l’époque. Si, sur le fond on peut penser à Jules et Jim, quand Jim retourne en Allemagne après la guerre, la forme, son noir et blanc très expressif nous donne l’impression de nous retrouver dans un épisode de Heimat, cette remarquable saga de Reitz qui suit une famille allemande pendant un siècle. Par souci de réalisme historique Ozon tourne dans différentes petites villes de Saxe que trente ans derrière le rideau de fer ont éloignées de la modernité. Le souci de réalisme va jusqu’à tourner en allemand - que Pierre Niney ne parlait pas - avec des passages en français - que Paula Beer a appris.
Toutes ces précautions prises, y compris au niveau technique puisque Ozon a, en plein règne du numérique, tourné toutes les séquences sauf une en 35mm, sont là pour garantir une authenticité des personnages, de l’émotion qui naît de la rencontre entre le jeune français et la famille allemande. Seuls quelques passages en couleur, traitant du bonheur d’un moment, d’un souvenir des temps heureux nous éloignent de ce réalisme revendiqué et nous préparent à la révélation centrale, celle d’une immense et tragique imposture.
Abandonnant le "remake" du film de Lubitsch, Ozon en commence alors un autre, autour de la fiancée du soldat allemand, l’admirable Paula Beer, qui, forte des chocs violents qui ont ébranlé sa vie, l’amenant au bord du suicide, va finalement reconstruire peu à peu sa vie, affrontant la vérité de la mort de son fiancé, affrontant la vérité d’un nouvel amour vain pour rebondir vers la vie. En organisant toutefois pour les parents de son fiancé le mensonge qu’elle a instinctivement improvisé pour les protéger. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire... pour Ozon certainement, et peut être pour survivre à cette époque... ?
Guy Fillion, membre du Cinématographe
Séances
• Préfailles, Cinéma L'Atlantique
• Divatte-Sur-Loire, Cinéma Jacques Demy
• Vertou, Ciné-Vaillant
• Saint-Michel-Chef-Chef, Cinéma Saint-Michel
• Campbon, Cinéma Victoria
• Nantes, Le Cinématographe
• Saint-Herblain, Cinéma Lutétia
• Nantes, Cinéma Bonne Garde
• Saint-Étienne-De-Montluc, Montluc Cinéma
• Sainte-Marie-Sur-Mer, Cinéma Saint-Joseph