PlayTime #7 • Les éditoriaux



Venez au cinéma !

Comme le théâtre le mot cinéma évoque à la fois un lieu et l’oeuvre que l’on y diffuse. Mais depuis sa naissance à l’aube du XXème le lien intime entre le contenant et le contenu, la salle et le film, n’a cessé d’évoluer, des stands de foire jusqu’aux multiplexes. Très vite la télévision a invité les films sur la "petite lucarne" avant même que le numérique, vorace de toutes les images, n’envahisse tous nos temps de vie, sinon de "cerveau disponible".

Pourtant, dans cette profusion des modes de diffusion, les salles de cinéma continuent contre vent et marées à nous proposer une expérience singulière : le choix d’un film peut être de pur hasard ou celui du cinéphile maniaque mais dans tous les cas l’on choisit "d’entrer" dans une salle. Quelle que soit notre humeur, l’on s’y retrouvera le temps d’une séance avec d’autres, à peine aperçus avant que le noir ne se fasse pour partager un film. Une plateforme de vidéo à la demande est un outil de distribution, une salle est un lieu de vie culturelle, c’est incomparable.

J’aime, nous aimons aller "au" cinéma mais je sais combien l’économie de ces lieux est fragile. Là aussi la loi du marché domine privilégiant aujourd’hui la concentration de moyens sur des équipements où le 7ème art devient un prétexte à la marchandisation de produits dérivés. Les salles que nous aimons résistent mais pour combien de temps ?

En Loire-Atlantique nous avons la chance d’avoir encore beaucoup d’écrans de cinéma, une diversité de réseaux et des exploitants indépendants. Elle se double de la vitalité de beaucoup de salles associatives, tout particulièrement hors des grandes villes, continuant à faire vivre le cinéma en proximité. Je tiens à saluer l’engagement des professionnels et très nombreux bénévoles qui font vivre ces lieux. Dans les derniers mois, je sais les difficultés auxquelles elles, ils ont dû faire face et je veux leur dire notre solidarité.

Depuis plus de 15 ans le Département a choisi de confier au Cinématographe Ciné-Nantes Loire-Atlantique l’accompagnement du réseau des salles de cinéma associatives du département (SCALA). Le travail trop souvent méconnu de cette équipe passionnée est une ressource importante pour les salles. Il permet aux spectateurs, partout en Loire-Atlantique de goûter une programmation qui échappe aux seuls dogmes du box-office : les films art et essai, des films du patrimoine, des films pour enfants, les sélections des grands festivals... Bref, tous les cinémas.

La culture est belle lorsqu’elle échappe au "prêt à consommer" et ouvre à la diversité. PlayTime c’est un peu la fête de cette belle ambition collective. Chacun·e y est invité·e. Pour dire et partager combien nous aimons le cinéma !

Michel Ménard,
Président du Département de Loire-Atlantique

PlayTime : voir les films ensemble, dans la salle de cinéma

La réouverture de juin 2020 fût pour les salles un moment optimiste et de bonheur, avec le retour de spectateurs et spectatrices qui malgré les jauges, les couvre-feux et les masques retrouvaient avec un immense plaisir leurs salles et leurs équipes. Alors que la période restait très incertaine, ce sont les professionnel·les indépendant·es (distributeurs et salles) qui, tenaces et motivé·es, ont sorti et programmé des films. Par peur d’une trop faible fréquentation, la grande distribution a reporté la sortie de nombreux blockbusters et certains cinémas n’ont même pas daigné ouvrir. La reprise en mai 2021 après 138 jours de fermeture fût tout autre. L’avalanche de films sortant dans l’anarchie la plus complète a entrainé une confusion et les premiers impactés ont été ceux et celles qui avaient eu le courage de redonner des couleurs à la vie au sortir d’un long et strict premier confinement. Depuis l’été 2021 ce sont de longues listes de films qui sortent chaque mercredi ; à peine le temps de les montrer qu’ils disparaissent des écrans faute de place. Maintenir les salles indépendantes, c’est assurer la diversité culturelle.

Les salles associatives de Loire-Atlantique n’ont pas été épargnées par ce flux constant de films. En même temps que les associations avaient peine à se restructurer, elles devaient apprendre à fonctionner avec des équipes parfois très réduites. Un certain nombre de salles ont donc décidé de prolonger les fermetures et ont repris leurs activités en début de saison. La reprise reste très frileuse, malgré de nombreuses initiatives pour inciter spectateurs et spectatrices à reprendre le chemin de la salle et du vivre ensemble. On ne peut nier que tous ces mois de déstabilisation laissent des traces et changent les comportements et nous n’aborderons pas l’arrivée du pass sanitaire quand la spécificité des salles associatives est la connaissance et la confiance de ses usagers et usagères. Dans ce paysage morose, nous ne pouvons que nous réjouir de l’engouement du corps enseignant à retrouver nos lieux, bravant tous les "aléas" des contraintes qui leur sont imposées, et du retour des publics scolaires.

Ces dernières années le parc de salles associatives évolue et se modernise. Aujourd’hui sur les 35 si 30 restent mono-écrans, 2 ont maintenant deux écrans et 3 cinémas ont trois écrans. Cette richesse d’équipement n’est pas un hasard, elle est le fruit d’un engagement constant de la collectivité territoriale qu’est le Conseil Départemental. Non seulement un accompagnement dans l’aménagement et la modernisation mais surtout dans sa politique culturelle "Grandir avec la Culture", exceptionnelle et qui donne à ce territoire un caractère unique. Ce sont 31 cinémas associatifs qui sont classés Art et Essai, dont 19 avec le label jeune public. Nous saluerons également l’inconditionnel attachement de certaines communes pour maintenir les principes d’indépendance des équipements culturels de leur territoire. Et nous espérons que le bilan de toutes ces turbulences permettra d’ancrer encore plus durablement les salles de cinéma et qu’elles puissent se motiver pour un fonctionnement qui devra se professionnaliser, c’est-à-dire créer des postes salariés, dynamiser les publics et donner plus de force à la vie associative.

PlayTime 2022 prend un sens tout à fait particulier, car la fête du cinéma en Loire-Atlantique se construit avec tous les partenaires du cinéma dans une dynamique de valorisation des filières indépendantes et des évènements cinématographiques. Nous savons tous et toutes que les films nous font grandir dans ce monde complexe. Laissons-nous envahir par les histoires et les émotions, et fêtons ensemble cette quinzaine de cinéma.

Catherine Cavelier
Membre fondatrice et co-Présidente du Cinématographe Ciné-Nantes Loire-Atlantique