L’Ultima spiaggia
Au Pedocìn, plage populaire de Trieste, hommes et femmes sont séparés par un mur de béton. Bienheureux dans l’entre soi, chacun amène sa vie avec lui et nourrit ce lieu unique et pittoresque. Réflexion sur les frontières, les identités et les générations, L’ultima Spiaggia est une tragi-comédie sur la nature humaine.
- Connaissiez-vous l’un et l’autre cette plage ?
Davide Del Degan : Moi j'y allais quand j'étais petit. J'avais l'énorme privilège de pouvoir passer d’un côté à l'autre de la plage, car les enfants jusqu’à 12 ans peuvent aller chez les femmes ou chez les hommes. J'ai toujours rêvé de pouvoir raconter ce lieu bizarre et unique, suspendu dans le temps et dans l'espace.
Thanos Anastopoulos : Moi, non. Mais cette plage m'a rappelé et fait penser à mon enfance. Mon père avait l'habitude de nager même pendant l'hiver avec ses amis. Il n'y avait pas de mur, mais cette idée d’un groupe de personnes qui se rencontrent sur une plage, que ce soit en hiver ou en été, m'a fait me sentir chez moi.
- Comment avez-vous travaillé ensemble ?
T.A. : Nous avions tous les deux le désir d’observer l’humanité qui fréquente cette plage et avons défini des règles communes : être là toujours ensemble, éviter les interviews, ne rien provoquer. L'idée était de passer du temps là-bas et attendre que quelque chose se produise devant nous.
D.D.D. : Nous étions complètement d'accord sur les choix essentiels, nous étions très stimulés par nos points de vue similaires, mais en même temps différents.
- Qui sont les habitués de la plage ?
D.D.D. : Il y a une rencontre entre les différentes générations et cultures, d’origines sociales très diverses. Des prolétaires, des vendeuses qui fréquentent la plage pendant leur pause-déjeuner, des bourgeoises, des ouvriers, des directeurs de banque et même un rabbin, car c’est une plage kasher, où il est possible de se déshabiller loin du regard des femmes.
- Après, quand on est nu, sur une plage, les différences n’existent plus.
T.A. : Dans le film il n’y a pas de blocs séparés, les hommes d’un côté et les femmes de l’autre, mais une micro-société. On voit aussi des travailleurs, des employés, car l’établissement est géré par la municipalité. Au même instant où tu penses te trouver parmi des gens libres et nus près de la mer, l’institution agite ses règles, impose sa discipline, ouvre et ferme ses portes.
- Comment définiriez-vous votre film ?
T.A. & D.D.D. : C’est un documentaire multi-narratif, kaléidoscopique, avec beaucoup de personnages et une histoire, ou plutôt un récit sur cette humanité et ce lieu. Atemporel et presque métaphysique, habité par des fantômes.
- Qu’avez-vous gardé de ces 120 jours de tournage ?
T.A. & D.D.D. : Beaucoup de relations d’amitié.
Entretien avec les réalisateurs Thanos Anastopoulos & Davide Del Degan, GNCR